Mémoires et textes

Publié le par Capoeira Xikitim

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    Pour ce premier texte, nous avons choisi un extrait de Master en sociologie, actuellement en cours d'écriture à l'université de Rouen en France. Sirlei Contijo-Amaral, femme de capoeiriste et capoeiriste elle-même, y aborde sa vie privée. Elle raconte comment elle a découvert la capoeira dans son pays natale le Brésil et comment elle et son mari professeur de capoeira sont venus s'installer en France. Sa problématique concerne la possible intégration de la capoeira en France.

Profs/élèves en France et en europe. Rencontres entre deux cultures.


Le développement et l’intégration de
la capoeira en France.

Extrait du Mémoire de Master en sociologie rédigée par
Sirlei Gontijo Amaral.


INTRODUCTION


    La présente étude portera sur la pratique de la capoeira en France. Mon intérêt pour ce travail est dû à des raisons personnelles autant que scientifiques.

    Mais, qu’est-ce que la capoeira ? Il est bien difficile de la définir et de la comprendre. Pour la définir nous retiendrons des mots comme ruse et astuce. Pour la comprendre, je serais tentée de vous conseiller de la pratiquer. Souvent décrite comme fascinante, elle est considérée aujourd’hui comme un art qui lie plusieurs éléments dans un seul : le combat, le rythme et le mouvement. Entre lutte, jeu et danse, la capoeira est une forme d’expression corporelle qui a un langage spécifique où chaque geste peut traduire des idées et sentiments.

    J’ai eu un premier contact avec le milieu de la capoeira en 1991, dans les rues de Sete Lagoas, ville brésilienne où j’habitais alors. A cette époque, je recherchais une activité pour mes enfants et moi-même. Le monde de la capoeira nous a permis de trouver tout ce qu’il nous fallait : une pratique physique et ludique dans une ambiance de convivialité. J’ai tout de suite remarqué que la capoeira fonctionnait comme une espèce de drogue pour ses pratiquants. Autour de moi, beaucoup d’élèves étaient fascinés et absorbés par cet art. La complexité de ses rituels, les jeux, la lutte, la musique, tout était nouveau pour moi. Mais ce qui m’a le plus enthousiasmée, c’est que dans les cours et « rodas », je voyais des hommes et des femmes, jeunes ou âgés, des enfants petits et grands, des individus noirs et des individus blancs, des personnes riches et des personnes pauvres. Et malgré toutes ces différences d’âge, de sexe et de classe sociale, les capoeiristes semblaient étroitement liés entre eux.
    Très vite, j’ai également remarqué que la hiérarchie sociale pouvait se renverser. En effet, le modeste maçon ou le chômeur oublié de la société se sentait plus respecté et valorisé dans un cours de capoeira, grâce à son style et à l’intelligence de son jeu. Inversement, le médecin qui décide de s’adonner à la pratique de la capoeira peut ne jamais briller au cœur des « rodas ». De ce fait, j’ai considéré à l’époque que cette pratique était plus démocratique que d’autres pratiques sportives que j’avais déjà essayé comme la natation et le volley-ball.

    Du point de vue psychologique, j’ai constaté que la capoeira pouvait agir comme une thérapie. Le fait de s’exprimer par le corps en effectuant des mouvements sur le rythme d’instruments de musique permettait à un grand nombre des capoeiristes, surtout les jeunes adolescents, de se libérer des angoisses et d’autres sentiments négatifs qu’ils avaient en eux. En tant que maman, j’ai remarqué qu’ils étaient fiers d’appartenir au monde de la capoeira et de se reconnaître comme des « capoeiristas », capoeiristes en langue française. Et l’avis de leurs parents avec lesquels je discutais souvent, a toujours confirmé ces observations.

    Aussitôt, j’ai su que la capoeira allait changer la direction de ma vie. J’ai rencontré le professeur Jorge Luiz Moreira qui m’a beaucoup m’appris à propos de la capoeira. Passionnés tous les deux pour cet art, nous avions des projets et des idées qui tournaient toujours autour de la diffusion de la capoeira. Au fil du temps, nous avons créé un rapport qui a dépassé l’amitié. Puis nous avons vécu maritalement jusqu’en avril 2004, date de notre mariage.

    En l’an 2000, je suis arrivée en France avec mon mari qui était alors invité par une association d’enseignement de la capoeira. C’est à ce moment-là que nous avons décidé de rester en France, et plus précisément à Rouen où la demande pour les cours de capoeira était très forte. Nous nous sommes donc installés en Normandie et mon mari, communément appelé alors professeur Jorge, a alors commencé à enseigné la capoeira à la MJC de Rouen. Malgré ce choix délibéré de notre part, de cette époque, je peux écrire des pages et des pages sur le sentiment d’isolement que nous ressentions par rapport à notre exil. Nous avons ressenti la « saudade » de notre pays comme ont pu le décrire les esclaves africains au Brésil. J’ai alors mieux compris les chansons de capoeira qui exaltent ce sentiment, et dont les extes proviennent pour certaines de l’époque de l’esclavage justement.

    Avec Jorge, nous nous sommes lancés à fond dans les cours. Le professeur Jorge ne parlait alors que la langue portugaise. Aussi, je l’accompagnais avec mes quelques connaissances de la langue française pour la traduction de ses cours. Ces cours se déroulaient donc en portugais avec quelques petites interventions de ma part lorsque cela s’avérait véritablement nécessaire. En regardant les cours et parfois en jouant le rôle d’assistant du professeur, je voyais et observais d’un regard différent la capoeira pratiquée par les Français de celle pratiquée par les Brésiliens. Ici, personne ou presque n’avait déjà vu de ses yeux une « roda » de capoeira. Cet art leur était totalement étranger. Il fallait donc, en plus de leur montrer les mouvements, tout leur expliquer. Après les cours, le professeur Jorge était donc encore plus fatigué que d’habitude. Nous avions toujours de longues conversations sur les difficultés qu’ils avaient par rapport à l’enseignement de la capoeira. En autre interrogations, le professeur Jorge se demandait souvent si ses élèves français allaient réussir un jour à chanter en portugais parce que dans les rituels de la « roda » tous les capoeiristes répondent en choeur en frappant dans les mains. Je voyais bien également que les élèves français avaient une énorme difficulté à laisser parler leur corps, à essayer de reproduire spontanément les mouvements que le professeur leur montraient. Contrairement aux élèves brésiliens qui se laissent aller au rythme des instruments beaucoup plus facilement, j’ai vite remarqué que les Français n’écoutaient pas la musique. Ils s’efforçaient à traduire les paroles et à comprendre rationnellement les mouvements.

    Mais nous aussi nous avons également rencontré des difficultés vis à vis de la langue française et notre adaptation à notre nouvelle vie en France n’était pas si simple.

    Je ne me rappelle plus pourquoi j’ai choisi de suivre des études en sociologie quand j’étais plus jeune, mais je me rappelle parfaitement bien que toutes ces observations liées aux questions des Français en rapport avec la capoeira ont éveillé chez moi le désir d’une étude sociologique approfondie sur la pratique de la capoeira en France.
    Ainsi, dans cette étude, j’essaie d’observer et de comprendre le développement de la capoeira en France et sa possible intégration. Aujourd'hui, on recense au moins sept mille cinq cents pratiquants de capoeira dans les trois cent quarante-huit écoles de capoeira dans les villes comme Paris, Montpellier, Lyon, Marseille, Rouen et d’autres mêmes toutes petites. La demande est importante et, à l’heure où j’écris ces lignes, toujours grandissante.
    Nous allons essayer de comprendre l’importation et la pratique du jeu de la capoeira par les élèves français comme un phénomène d’acculturation et de remaniement des valeurs culturelles brésiliennes.
    Pour la réalisation de cette étude, nous avons recueilli des données qualitatives issues d'une intense observation participante et de l'analyse d'outils.
    Mon objectif dans ce travail se limite à répondre à la question centrale suivante: qu’est-ce que signifie le succès actuel de la capoeira dans un contexte culturel tellement différent de son milieu d’origine ?
    J’espère que les conclusions sur lesquelles cette étude débouchera, pourront nous permettre d’avoir une idée plus précise de l’avenir de la capoeira et donc de son intégration en France.
Avant d’entrer dans les questionnements spécifiques qu’une telle étude peut susciter, il est préférable d’aborder le sujet en le resituant dans sa trajectoire historique


Chapitre 1
La Capoeira

1.1 - La ronde de capoeira


    Les jeux se déroulent dans un espace nommé « roda », composée de capoeiristes qui sont à la fois musiciens, joueurs et chanteurs. La « roda » est une sorte de rituel qui met divers éléments dans un rapport d’interdépendance. Entre l’intérieur et l’extérieur de la roda,  nombreux sont les échanges. La « roda » n’est pas simplement l’espace physique qui délimite le jeu, elle est aussi formée par les jeux qui se déroulent dans cet espace.

    En général, les rondes sont composées par un orchestre d'instruments de percussion nommé bateria : trois berimbaus, un atabaque, et un pandeiro. Comme il n'y a pas de règles strictes dans la capoeira, cette réunion d’instruments peut changer d'une ronde à une autre.

    Le maître qui préside la ronde porte le plus grave des berimbau que l’on appelle le gunga. Pour débuter la ronde, il entonne un chant d'entrée, la ladainha. Ce chant profond raconte souvent de tristes histoires du monde de la capoeira. Pendant son écoute, il n'y a pas de jeu dans la ronde. Deux capoeiristes prennent place accroupis au pied des instruments en attendant la fin de la ladainha et l'autorisation du maître pour rentrer dans la ronde.
    La ladainha une fois finie, un autre chant enchaîne aussitôt, toujours suivi par le choeur et par les capoeiristes qui frappent des mains.



1.2 - Le jeu de la capoeira

    Décrire le jeu de la capoeira n’est pas chose simple. Extrêmement complexe, le jeu de la capoeira doit se soumettre plutôt à des rituels qu’à des règles. Il faut du temps pour comprendre et intérioriser ce complexe univers que forme la capoeira.
    On peut définir le jeu de capoeira comme une sorte de conversation entre un mouvement d'attaque et sa réponse en un mouvement de défense, toujours en se déplaçant sur le mouvement de la "ginga". En capoeira, tout est mouvement et balancement. Le mot "ginga " définit tout ce balancement dans le jeu de la capoeira. La ginga est en quelque sorte le "swing" de chacun. Mais qu’est-ce que les capoeiristes appellent le swing ? Le swing est l'énergie du corps de chaque individu et le style qui s’en dégage. Pour la libérer, il faut écouter la musique et se laisser porter par elle.

    Malgré l’aspect lutte qui existe dans les jeux, on parle de partenaire et non pas d’adversaire. Celui qui est en face de soi est un partenaire que l’on doit dominer par la sagacité et l’astuce plutôt que par la force physique ou la violence. Le terme « mandinga » définit ce jeu d’astuce et de feinte des capoeiristes. C’est une finesse d’esprit qui a aussi une dimension sacrée liée au « axé ». L’axé est une sorte d’énergie vitale et cosmique dans les religions afro-brésiliennes. Dans le langage de la capoeira,  l’axé  c’est une force anonyme et impersonnelle qui peut se retrouver dans chacun des capoeiristes et dans l’ensemble de la roda. C’est une puissance mystique qui circule librement dans les rodas indépendamment des capoeiristes en qui elle s’incarne.    

    Quelques-uns expliquent que parfois ils font des mouvements sans savoir qu’ils étaient capables de les faire. Il faut aussi comprendre cette vibration comme étant l’élément qui rassemble. Lorsque sa présence est forte dans une roda, la joie est partagée pour tous, car l’axé est une force positive. On trouve un rapport avec la notion de mana telle que l’emploie par exemple Durkheim dans Les Formes Elémentaires de la Vie Religieuse.… «C’est une force, une influence d’ordre immatériel et, en un certain sens, surnaturel; mais c’est par la force physique qu’elle se révèle ou bien par toute espèce de pouvoir et de supériorité que l’homme possède. Le mana n’est point fixé sur un objet déterminé; il peut être amené sur toute espèce de choses.» (Citation d'Emile Durkheim, dans "les Formes élémentaires de la vie religieuse", PUF, 1960, P.277)


    Le jeu de la capoeira est un dialogue des corps. Dans ce dialogue le regard a une place primordiale. Les deux capoeiristes qui jouent au cœur de la roda ne se quittent jamais des yeux. La créativité a aussi une place prépondérante dans le jeu de la capoeira. Dans les limites des « règles » du jeu, le capoeiriste a la liberté de créer des mouvements et des coups de pieds. L’imprévisibilité fait le danger du jeu et montre l’habilité des joueurs. Ainsi, pour être le plus remarquable, il faut que le joueur se montre malin et surprenant. Avoir l’esprit plein de bonne humeur et un procédé habile et déloyal dans la roda. Ce sont les qualités d’un bon capoeirsite.


1.3 - La musique et les instruments

    La musique et les chants dans la capoeira opèrent tel un voyage d’un état d’esprit à un autre. Pour cela, le berimbau, instrument à percussion, joue le rôle le plus important de la roda car selon les maîtres de capoeira, le berimbau a le pouvoir de capter les mauvaises énergies qui circulent dans les rodas. On dit d’ailleurs que les fils de fer des berimbaus se cassent souvent dans les rodas où la bonne énergie, appelé en langage capoeiriste l’axé, n’est pas présente.
    Le berimbau est donc l’instrument le plus important du jeu de la capoeira, celui qui donne le rythme, le moment d’entrée et de sortie du jeu. On doit connaître sa musicalité pour mieux participer au rituel. Chaque capoeiriste possède son propre berimbau qu’il apporte dans toutes les rodas et avec lequel il a un rapport affectif important. Pour lui, c’est un objet de grande valeur qu’il soigne et respecte comme un être vivant.

    Cet héritage spirituel restait très présent au début du XXème  siècle chez la plupart des capoeiristes brésiliens qui étaient profondément imprégnés par le sentiment de surnaturel qu’ils avaient acquis au cours de leur formation dans les rituels afro-brésiliens. Ainsi, les rituels que l’on voit dans les rodas de capoeira et les gestes de protection opérés par les capoeiristes d’aujourd’hui tels que les signes de croix, les baisers sur le bout des berimbaus juste avant un jeu, les gestes fictifs de traçage de lignes au sol, toutes ces mises en scènes sont liés aux origines mêmes de la capoeira.



1.4 – Origine de la capoeira au Brésil

    «Les interpénétrations de civilisations ne constituent pas un phénomène nouveau, lié à l’expansion européenne du XIXéme siècle. On peut dire au contraire que l’histoire de l’humanité tout entière est l’histoire du contact, des luttes, des migrations et des fusions culturelles

    Cette réflexion est issue de l’étude de Roger Bastide sur les religions africaines au Brésil. Dans l’histoire de la découverte du Brésil au XVIémé siècle on trouvera des contacts, des luttes, des migrations forcées et beaucoup des fusions culturelles. Dans le processus de construction de la société brésilienne contemporaine nombreux ont été les échanges entre les différentes cultures. L’un des résultats de ces rencontres entre les cultures au Brésil est la capoeira.

    Les débats sur son origine sont interminables. Son processus historique s’est développé à l’intérieur d’une situation d’esclavage. D’où venaient ces esclaves ? Les incertitudes et les questionnements par rapport à cette époque sont interminables car les données sont rares. Le manque de documentation écrite sur cette époque est dû à différentes raisons. Lorsque les colonisateurs européens sont arrivés au nouveau continent, ils ont rencontré l’indien brésilien qui ne maîtrisait pas le langage écrit. Les noirs, venus des tribus primitives de l’autre continent, utilisaient, eux aussi, le langage oral comme moyen de communication. Les seuls qui pouvaient répertorier les us et coutumes des nouveaux habitants en terre brésilienne, étaient les colonisateurs portugais. Malheureusement, ils n’ont donné aucune importance à ce fait. Au contraire, lors de l’abolition de l’esclavage au Brésil en 1890, toutes les archives officielles concernant l’esclavage ont été brûlées afin d’effacer cette tache de l’histoire du pays.

    Les historiens s’accordent sur un chiffre approximatif de trois millions et demi de Noirs amenés au Brésil depuis les débuts de la colonisation jusqu’à la fin du trafic, légal ou clandestin.
    La question sur l’origine des esclaves africains au Brésil a été travaillée par Nina Rodrigues et Arthur Ramos qui a réussi à nous donner une liste des civilisations qui ont eu des représentants à la nouvelle colonie portugaise.

1- Les civilisations soudanaises, représentées spécialement par les Yorouba (Nagô, Ijêsha, Egba, Ketou, etc.), par les Dahoméens du groupe Gêge (Ewe, Fon…) et par le groupe Fanti-Ashanti, appelé à l’époque coloniale Mina, enfin par des groupes plus petits de Kroumans, Agni, Zema, Timini ;
2- Les civilisations islamisées, représentées surtout par les Peuhls, par les Mandingues, par les Haussa et en plus petit nombre par les Tapa, Bornu, Gurunsi ;
3- Les civilisations bantoues du groupe angola-congolais, représentées par les Ambundas de Angola (Cassanges, Bangalas, Inbangalas, Dembos), les Congos ou Cabindas de l’estuaire du Zaire, les Benguela ;
4- Enfin les civilisations bantoues de la Contre-Côte, représentées par les Mozambique
("Macuas et Angicos" de Roger Bastide) .

    A partir de cette liste, nous voyons que diverses ethnies africaines ont participé avec leur travail et leurs valeurs culturelles et religieuses à la construction de la société brésilienne. Capturés dans leurs tribus en Afrique par les colonisateurs portugais des millions de noirs de différentes ethnies étaient mis dans des bateaux dans des conditions effroyables de misère et maltraitance. A l’arrivée aux ports brésiliens, ils étaient vendus aux patrons colonisateurs et envoyés aux plantations de canne de sucre et aux mines. Dans la nouvelle colonie les noirs africains étaient les plus accablés de travaux durs car les Indiens brésiliens n’avaient pas la nature physique requise.
    La condition d’esclave que rassamblait différentes cultures africaines dans, les « senzalas », a fusionné plusieurs rituels religieux. Petit à petit ces pratiques religieuses et artistiques, ont élaboré les bases de ce qui sera le nouveau rituel. La capoeira était, donc, au tout début, le résultat de l’interaction de rituels de différentes ethnies qui avaient la même angoisse de liberté.     Cet état d’esprit s’emparait des pratiquants telle une idéologie de vie et ce syncrétisme a engendré une nouvelle identité ethnique.
    Dans ce mémoire, je partage avec Valdeloir Rego la même position sur la question de l’origine de la capoeira. Il a conclu sur cette question que: « la capoeira est une création des africains au Brésil, qui aurait ensuite été développée par leurs descendants afro-brésiliens » . (Rego Valdeloir dans "Capoeira Angola". Essai socio-ethnographique. Editions Itapoà, 1968).

    Tout comme le « candomblé », la capoeira a été une des principales formes de résistance des esclaves africains contre le impitoyable Etat esclavagiste.


1.5 - Evolution de la capoeira au Brésil

    En 1624, époque de l’invasion hollandaise du territoire brésilien, beaucoup d’esclaves ont profité du conflit pour se réfugier dans les forêts. Les « quilombos » deviennent alors leurs nouvelles maisons où ils étaient libres de pratiquer leurs cérémonies guerrières, religieuses et artistiques. Le plus célèbre a été le quilombo de Palmares.
    La loi 3.353 du 13 mai 1888 déclare l’abolition de l’esclavage au Brésil. Des noirs, des mulâtres et des immigrants portugais  se trouvent alors mêlés  dans les rues des villes du Brésil.
    C’est le début d’une autre sorte d’esclavage : l’esclavage urbain. Sans toit et sans travail, ils se disputaient chacun leur place dans la ville. On a vu à cette époque la formation de groupes ennemis, les « maltas » qui courraient à toutes jambes de par les rues, soit pour rendre service aux policiers, soit pour régler une dispute entre eux-mêmes. La capoeira est devenue plus qu’une forme de résistance d’esclaves. La capoeira prenait ainsi une nouvelle forme plus combative sans pourtant se dépouiller de ses traditions. Pour la pratiquer, il suffisait d’un certain nombre de capoeiristes rassemblés, d’instruments musicaux et l’envie de jouer.

    Le mulâtre, né du mélange du blanc et du noir, est devenu le type même du capoeiriste car il n’avait pas le sentiment de soumission comme les noirs africains.

    La capoeira a joué un rôle social important dans le sens où elle «était une lecture de l’espace urbain, une forme d’identité de groupe, un recours à l’affirmation personnel dans la lutte pour la vie, un instrument décisif du conflit dans la population captive" . (Libano Soares, Carlos Eugênio, dans "A Negregada Instituiçào", collection Biblioteca Carioca, 1994, p.32)

    Pratiquée pendant des années dans les rues des villes brésiliennes et présente dans les fêtes populaires des grandes villes comme Salvador de Bahia, Rio de Janeiro et Recife, la capoeira fut marquée par le préjugé et considérée comme une pratique de vagabonds, une sorte de lèpre à extirper. Interdite au Brésil jusqu’au début du XXème siècle, elle était persécutée et leurs pratiquants furent souvent envoyés en prison. Et pourtant, la capoeira s’est répandue dans tous les villages du Brésil avec différentes interprétations de ses gestes et de ses rituels. Et paradoxalement, elle a joué un rôle très important comme instrument de maintien de l’ordre social dans le régime politique portugais.


    Au début du XXème siècle, la capoeira subit une évolution très importante pour son avenir. La création de deux styles différents : le style «regional» et le style «angola» que nous étudieront plus loin. La capoeira devient légale dans les années 1930, et s’institutionnalise peu à peu.

    Dans les années 1980, il y a eu une explosion de la pratique de la capoeira au Brésil qui n’a jamais cessé de croître jusqu’à aujourd’hui, se répandant avec force à travers le monde et s’intégrant à différentes cultures.


1.6 - Les styles de capoeira

    «Il existe une seule capoeira, avec ginga et un certain nombre des rythmes et coups, qui servent de base pour tous les capoeiristes, enrichis par des nouvelles créations et variations subtiles sur les éléments originaux, mais qui ne les déguisent n’interférent dans l’intégralité.» (Rego Valdeloir dans "Capoeira Angola". Essai socio-ethnographique. Editions Itapoà, 1968).

    Il y a dans le jeu de la capoeira deux styles différents. La capoeira Angola et la capoeira Regional. Ces deux styles de jeux ont été crée à partir du début du XXème siècle et sont, en fait, les transformations les plus significatives apportées à la capoeira.

    Pendant des années, les deux styles angola et regional ont suscité une vision dichotomique de la capoeira en la divisant et en lui opposant les versions traditionnelle et moderne. Désormais, comme l’a bien démontré Luiz Renato Vieira, la dynamique culturelle de ces dernières années a occasionné des transformations dans les diverses formes de la capoeira, ne nous permettent plus de traiter l’univers actuel de cette communauté comme une dichotomie de capoeira angola et regional.

    Ainsi les nouveaux capoeiristes préfèrent pratiquer un style qui selon eux, se situe entre la capoeira Angola et la capoeira Regional, soit un mélange des deux styles.

Le style Regional

    Vers les années 1920, un capoeiriste de renommé, Manuel dos Reis Machado connu sous le surnom de Maître Bimba, a proposé l’introduction d’éléments nouveaux mélangés aux mouvements de la capoeira traditionnelle. Maître Bimba recherchait l’efficacité de la capoeira en la confrontant aux autres luttes, car selon lui, elle n’existait pas dans la capoeira traditionnelle.    
    Les changements apportés à la capoeira traditionnelle ont cassé le côté ludique de la pratique remplaçant la liberté du corps dans un système technique et répétitif des mouvements. Cette nouvelle façon de la pratiquer, propre à maître Bimba, va s’appeler la «Capoeira Regional.».

Parmi ses pratiquants et les intellectuels de l’époque, la création de la Regional a provoqué des conflits internes et des fissures dans la communauté capoeiriste car elle a suscité des discussion sur les conceptions de ce qu’était à l’origine la capoeira. Avant la création du style regional, la pratique de la capoeira était libre des normes et l’apprentissage se faisait à travers les jeux qui se déroulaient soit dans les «terreiros», soit sur les places publiques. Il n’y avait pas d’entraînements organisés dans des académies comme aujourd’hui.

    Le conflit entre les pratiquants de la capoeira Angola et la capoeira Regional va s’accentuer en 1937, quand Maître Bimba a réussit faire officialiser son école de capoeira auprès de l’état brésilien. Dés lors, la capoeira essaie de s’organiser dans des académies et des écoles prévues à cet effet.


    En fait, les tentatives d’organiser la capoeira et de la faire sortir du stigma de pratique marginal ont servi, paradoxalement à la diviser en deux groupes de pratiquants venant pour la plupart de classes sociales différentes. La reconnaissance comme une pratique légale a permis aux classes moyennes de s’intéresser et s’approprier la capoeira Regional. On a assisté, alors au conflit entre les capoeiristes de la rue et les capoeiristes de l’académie.

    Malgré ses tentatives d’organisation, la capoeira gardait toujours un aspect informel car leurs pratiquants n’avaient pas de tenues et sa pratique se faisait avec les vêtements de leur quotidien. «Cela ressemblait à un truc de rue dans une institution», nous dit le maître Paulinho Sabia (entretien du 25 juin 2002 à Rio de Janeiro).
    Comme pour les arts martiaux, l’adoption de la tenue blanche a plu aux pratiquants de la capoeira regional. Puis, petit à petit, ils ont commencé à introduire des couleurs aux tenues.
Jusqu’à aujourd’hui la capoeira a toujours eu du mal à s’organiser car son histoire a toujours été liée à des disputes et des conflits internes, autant qu’à des innovations dans la dynamique du jeu.
   
    La rue, le conflit et le sentiment d’appartenir à un groupe restent toujours liés à la capoeira.

Au Brésil, il existe aujourd’hui plusieurs fédérations de capoeira et d’autres tentatives de l’organiser, mais les maîtres se méfient généralement de ce type d’institution étatique et doutent de leur crédibilité. Même la récente création d’une Féderation internationale de capoeira (Fica) en 1999, n’assure et ne gagne pas l'adhésion de la communauté des capoeiristes.

Le style Angola
    En opposition au style Regional, le style Angola est devenu celui qui a gardé les rituels et traditions de la capoeira. Son représentant est Vicente Ferreira Pastinha, connu sous le nom de Maître Pastinha.
    La capoeira Angola a reçu le soutien de l’intellectualisme de gauche, comme l’écrivain Jorge Amado et Caribé qui l’ont considérée comme la représentante de la « vraie » capoeira, celle qui continuait de maintenir ses racines.
    Pour les pratiquants du style Angola, les nouveaux éléments introduits par le style Regional ont changé la mentalité des capoeiristes de ce nouveau style. Selon les pratiquants du style Angola nommés les « Angoleiros », les capoeiristes du style Regional ne respectent pas la philosophie et la tradition de la capoeira. Selon Maître Pastinha, la capoeira était une pratique que cherchait l’équilibre de l’homme entre le physique et le psychologique. Et le style moderne occulte, selon lui, le second point pour n’exhiber que le premier.

    Mais suite à l’apparition de ce nouveau style Regional, la capoeira Angola a également introduit certaines règles dans son style. Elle a gardé le côté ludique comme prioritaire plutôt que la technique. Ainsi, la notion de « malicia » est-elle centrale dans la capoeira Angola. On peut définir la «malicia» ou malice, comme des feintes utilisées et mises en scènes par le capoeiriste pour déconcentrer et piéger son partenaire.


    Enfin, «Pour Pastinha, la capoeira Angola exige un certain mysticisme, sincérité avec les camarades de jeux et obéissance absolue aux règles qui la président. Ceux-ci sont les principaux  fondements de la capoeira Angola.»
(Antonio Liberac Cardoso Simoes Pires,  dans "Bimba, Pastinha e Besouro de Manganga", Editions Grafiset, 2002, P.76).


Problématique

HYPOTHESE ET METHODOLOGIE


    L’action de mêler des choses et des êtres différents à la fois, dans le but de former un tout, fait partie de l’histoire de la capoeira et de la culture brésilienne en génerale. Il est vrai que la capoeira est née et s’est développée à travers de profonds contacts entre les cultures.
La capoeira est devenue une pratique mondiale et tout le monde peut la pratiquer. Les interpretations et les manières de la pratiquer ne cessent pas de s'évoluer.

    Dans cette étude sur la pratique de la capoeira en France, nous allons réfléchir sur le concept «d’habitus» par rapport aux situations d’acculturation, c’est à dire des habitus de différentes cultures et non pas des habitus des différentes classes sociales. Et en plus, quand on parle d’acculturation. Il ne faut pas oublier qu'« il n’y a pas à proprement parler de culture uniquement «donneuse» ni de culture seulement «receveuse». L’acculturation ne se produit jamais à sens unique.

    Dans ce sens, l’interpénétration de cultures va dynamiser l’habitus, car celui-ci va réagir au fonctionnement de l’habitus d’autrui.
Penser l’habitus, dans une situation d’interpénétration de cultures, comme source motrice de l’action et de la pensée, permet de supposer l’existence de transpositions à d’autres domaines ou milieux.


Le rapport avec le corps

    La capoeira est un langage du corps. Ce qui change dans sa pratique en France...


    Pour lire la suite du mémoire, ou poser des questions, vous pouvez contacter l'auteur à
via les commentaires de cette page.


 

Publié dans Présentation Xikitim

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A
Mais surtout j'aime voir des références bibliographiques !
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A
Mémoire très bon, style simple et agréable à lire, j'aurais bien aimer lire la suite :-)
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